Arrêt du: 24 janvier 2020
N° de procédure: 6B_1224/2019
Le 4 février 2017, une voiture lancée à 126 km/h le policier se fait flasher dans une zone limitée à 50 km/h. Répondant à une demande de renforts, leurs feux d’urgence et la sirène enclenchée, il était en pleine accélération pour rejoindre un autre véhicule de police avec les feux bleus enclenchés. L’excès de vitesse – 76 km/h de dépassement dans une zone limitée à 50 km/h – outrepasse largement le seuil du délit de chauf-fard. Le gendarme est condamné pour délit de chauffard (art. 90 al. 3 et 4 LCR) par le Tribunal de Police de la République et Canton de Genève à une peine privative de liberté de 1 an avec sursis pendant 3 ans. Le gendarme ayant fait appel, la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de Justice genevoise le condamne cette fois pour infraction grave à la loi sur la circulation routière, selon l’art. 90 al. 2 LCR, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 190.- le jour durant 2 ans ainsi qu’à une amende de CHF 2’000.-.
Le Tribunal fédéral demande aujourd'hui à la justice genevoise de reconsidérer le dossier et de retenir le délit de chauffard. Selon le TF, l'agent de police « a sciemment augmenté sa vitesse alors qu'il se trouvait dans une zone d'habitation, acceptant ainsi de ne pouvoir, en cas d'obstacle ou de présence inopinée d'un autre usager sur la chaussée, réagir à temps afin d'éviter un accident ou de conserver la maîtrise de son véhicule ».
Le policier a dans le cadre de son recours également invoqué que la vitesse était admissible et proportionné en se fondant sur l’état de nécessité selon l’art. 100 ch. 4 LCR. Selon cette disposition : « Si le conducteur d’un véhicule du service du feu, du service de santé, de la police ou de la douane enfreint les règles de la circulation ou des mesures spéciales relatives à la circulation lors d’une course officielle urgente ou néces-saire pour des raisons tactiques, il n’est pas punissable s’il fait preuve de la prudence imposée par les cir-constances. Lors de courses officielles urgentes, le conducteur n’est pas punissable uniquement s’il a don-né les signaux d’avertissement nécessaires; il n’est exceptionnellement pas nécessaire de donner ces si-gnaux d’avertissement si ceux-ci compromettent l’accomplissement de la tâche légale. Si le conducteur n’a pas fait preuve de la prudence imposée par les circonstances ou s’il n’a pas donné les signaux d’avertissement nécessaires lors d’une course officielle urgente, la peine peut être atténuée ».
S’agissant ainsi de sa jurisprudence constante en la matière, le Tribunal fédéral rappelle en premier lieu : « Dans des cas d’excès de vitesse très importants commis par des particuliers qui invoquaient pour leur dé-fense l’état de nécessité (art. 17 CP), le Tribunal fédéral a jugé que même si le bien en péril était aussi pré-cieux que la vie ou l’intégrité corporelle d’autrui, il était pratiquement exclu de justifier par un gain de quelques instants le risque d’accident mortel auquel les occupants du véhicule et les autres usagers de la route sont exposés en conséquence d’un excès de ce genre. Selon la jurisprudence, les signaux d’avertissement sonores et optiques d’un véhicule de la police circulant à vitesse très élevée ne sont que peu aptes à réduire le risque d’un accident parce qu’en raison de l’approche rapide de ce véhicule, les tiers exposés au danger ne jouissent que d’un temps réduit pour percevoir ces signaux, y réagir et adapter leur propre comportement. Un excès de vitesse très important ne se justifie donc pas davantage en cas de course urgente selon l’art. 100 ch. 4 LCR que dans le cas d’un déplacement exécuté en état de nécessité avec un véhicule privé ». Et dans le cas particulier, le Tribunal fédéral relève : « En l’occurrence, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il soutient que le dépassement de vitesse commis aurait été “parfaitement admis-sible et proportionné” et prétend qu’il ne serait pas punissable conformément à l’art. 100 ch. 4 LCR. En effet, en atteignant une vitesse largement supérieure à la limite autorisée – et même nettement supérieure au seuil fixé à l’art. 90 al. 4 let. b LCR -, cela en pleine nuit et dans une zone d’habitation, le recourant a créé un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort. Un tel risque, inconciliable avec la prudence exigée par l’art. 100 ch. 4 LCR lors d’une course officielle urgente, ne pouvait aucunement être justifié par la perspective de prêter main forte à des collègues au cours d’une interpellation. Il convient, à cet égard, de tenir compte du fait que même si le recourant pensait que les suspects recherchés pouvaient être armés et dangereux, il s’agissait d’une pure hypothèse, puisque rien ne permettait de retenir que les occu-pants du véhicule pris en chasse – qui n’avaient pas été identifiés et ne s’étaient attaqués à personne – eussent concrètement fait peser une menace sur l’intégrité corporelle ou la vie d’autrui (…). Par ailleurs, le fait que l’excès de vitesse litigieux fût limité dans l’espace et le temps ne saurait conduire à un autre résultat. Au contraire, le danger créé par le recourant était d’autant moins justifiable qu’il pouvait au mieux – s’agissant des quelques centaines de mètres concernés par la limitation de vitesse à 50 km/h sur lesquels les risques de croiser un autre usager ou un piéton étaient accrus – lui faire gagner quelques instants ».
Arrêt du Tribunal fédéral du 24 janvier 2020 (6B_1224/2019)
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